Le cycle des violences conjugales : une réalité complexe à déconstruire
- Laura Boissinot
- 7 avr. 2023
- 4 min de lecture

Les violences conjugales sont un fléau qui touche des millions de personnes dans le monde entier, peu importe leur sexe, leur genre, leur orientation sexuelle, leur âge ou leur statut socio-économique. Le cycle des violences conjugales est un concept clé pour comprendre comment les violences s'installent et persistent dans une relation amoureuse.
Le cycle des violences conjugales se compose de quatre phases principales: la phase de tension, la crise/l'explosion, la phase de justification et la phase de lune de miel.
La première phase, la phase de tension, se caractérise par des disputes et des conflits récurrents qui créent un climat d'insécurité chez la victime. La communication devient de plus en plus difficile, la victime commence à craindre l'explosion imminente de son partenaire et se met à adopter un comportement d'anticipation de ses réactions.
La deuxième phase, la crise/l'explosion, est l'étape où les violences verbales, physiques ou sexuelles surviennent. Cette phase est souvent déclenchée par un événement mineur, comme un simple désaccord ou une remarque de la part de la victime. L'agresseur peut également utiliser des justifications pour expliquer son comportement violent.
Dans la phase de justification, l'agresseur minimise souvent la gravité de ses actes ou rejette la responsabilité sur la victime. L'agresseur peut également utiliser des excuses comme l'alcool ou le stress pour justifier son comportement violent.
Enfin, dans la phase de lune de miel, l'agresseur se montre souvent attentionné, aimant et s'excuse pour ses actes. Cette phase de réconciliation est souvent utilisée par l'agresseur pour exercer un contrôle émotionnel et maintenir sa domination sur la victime. Cela peut également donner de l'espoir à la victime que les choses peuvent changer, mais malheureusement, cela se termine souvent par un retour à la phase de tension.
Le cycle des violences conjugales est un concept clé dans la compréhension des violences conjugales. Comme l'a souligné Lenore Walker, psychologue américaine et pionnière dans l'étude des violences conjugales : "Les violences conjugales sont un moyen pour l'agresseur d'obtenir et de maintenir le pouvoir et le contrôle sur la victime".
Des exemples concrets de violences conjugales sont malheureusement courants. Par exemple, Madame A. et son partenaire ont eu une dispute sur leur emploi du temps respectif, mais la situation s'est rapidement envenimée. L'agresseur a commencé à la critiquer et à l'insulter, la tension montait de plus en plus. Finalement, il a explosé et l'a frappée. Lorsqu'il a réalisé l'ampleur de ce qu'il avait fait, il s'est justifié en disant qu'elle avait "cherché" cette violence en le provoquant.
Les violences conjugales sont un phénomène complexe et multifactoriel qui peut être causé par des facteurs individuels, relationnels, sociaux et culturels. Selon la psychologue et sociologue française Muriel Salmona, les violences conjugales sont le résultat de l'interaction de trois facteurs principaux : les antécédents de l'agresseur, les facteurs de stress environnementaux et les représentations sociales et culturelles du genre.
Les antécédents de l'agresseur sont souvent marqués par des traumatismes vécus dans l'enfance, tels que des violences physiques, sexuelles ou psychologiques, des abus d'alcool ou de drogue, ou encore des troubles de la personnalité.
Les facteurs de stress environnementaux, tels que la perte d'emploi, des difficultés financières, des problèmes de santé, ou encore des conflits familiaux ou professionnels, peuvent également augmenter le risque de violences conjugales.
Enfin, les représentations sociales et culturelles du genre jouent également un rôle important dans les violences conjugales. Dans notre société, les stéréotypes de genre perpétuent l'idée que les hommes doivent être dominants, agressifs et violents, tandis que les femmes doivent être soumises, passives et dociles. Cette vision biaisée des rôles de genre peut conduire à une tolérance sociale des violences conjugales et à une banalisation de ces comportements.
Le cycle des violences conjugales peut donc être considéré comme une manifestation de ces facteurs complexes. Comme l'a souligné le sociologue français Gérard Lopez, "le cycle des violences conjugales est une dynamique qui implique un processus de domination et de contrôle dans une relation asymétrique où l'agresseur exerce sa volonté par la force et la menace".
Les conséquences des violences conjugales sont dévastatrices pour les victimes, qui peuvent subir des traumatismes physiques et psychologiques à long terme. Les études montrent que les femmes victimes de violences conjugales sont plus susceptibles de souffrir de dépression, d'anxiété, de troubles du sommeil, de troubles alimentaires et de troubles de stress post-traumatique. Les enfants covictimes (j'aborderais cette thématique dans d'autres articles) de violences conjugales sont également exposés à des risques de troubles émotionnels et comportementaux.
Il est donc essentiel de briser le cycle des violences conjugales et d'aider les victimes à sortir de la relation abusive. Les professionnel.les de la santé mentale et du social, les associations de soutien aux victimes et les services de police peuvent fournir un soutien émotionnel, des informations juridiques et des ressources pour aider les victimes à sortir de la relation violente en toute sécurité.
Cependant, pour réduire le nombre de violences conjugales à long terme, il est également important de s'attaquer aux causes sous-jacentes de ce phénomène. Cela peut inclure l'éducation et la sensibilisation à la violence conjugale, la promotion de relations saines et égalitaires entre les sexes, ainsi que des politiques publiques visant à lutter contre la pauvreté, le chômage et les inégalités sociales.
En fin de compte, il est important de reconnaître que les violences conjugales ne sont pas inévitables et qu'il est de briser le cycle de la violence. Comme l'a écrit la féministe et écrivaine française Simone de Beauvoir : "La liberté est le plus grand bien de l'homme, mais cette liberté n'a pas de sens si elle n'est pas libération des oppressions et des dominations".
En conclusion, le cycle des violences conjugales est un phénomène complexe qui peut être causé par des facteurs individuels, relationnels, sociaux et culturels. Il est important de reconnaître les causes sous-jacentes de la violence pour pouvoir briser le cycle et aider les victimes à sortir de la relation abusive en toute sécurité. Nous pouvons tous être des allié.es dans la lutte contre les violences conjugales en éduquant, en sensibilisant et en travaillant ensemble pour promouvoir des relations saines et égalitaires.
Comments