Protéger l'enfance : les politiques publiques en action
- Laura Boissinot
- 10 avr. 2023
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 avr. 2023

La protection de l'enfance est une question majeure dans notre société et les politiques publiques mises en place ont un impact considérable sur la vie des enfants et de leur famille. Dans cet article, je vais examiner les politiques publiques liées à la protection de l'enfance en France.
Historique de la protection de l'enfance
L'histoire de la protection de l'enfance en France remonte au XIXe siècle, avec la création des premiers établissements destinés à accueillir les enfants abandonnés ou délaissés. À cette époque, les enfants étaient considérés comme des "objets de charité" et leur sort dépendait des bonnes volontés individuelles.
Cependant, la prise de conscience des conditions de vie difficiles des enfants et de leur vulnérabilité a progressivement conduit à la mise en place de politiques publiques visant à les protéger. En France, c'est en 1882 que Jules Ferry a créé l'obligation scolaire pour les enfants de 6 à 13 ans, ce qui a permis de les protéger de l'exploitation et de la maltraitance en les obligeant à fréquenter l'école. La première loi de protection de l'enfance a été adoptée en 1889.
Cette loi a créé les premiers tribunaux pour enfants et a établi des mesures de protection pour les enfants en danger, notamment les enfants abandonnés, maltraités ou exploités. Elle a également posé les bases de la tutelle des mineurs, en confiant leur protection à des tuteurs ou à des institutions spécialisées.
En 1893, la loi sur la protection des enfants maltraités a été promulguée, créant ainsi les premiers dispositifs d'aide aux enfants en danger. Cette loi a été suivie par d'autres mesures législatives, notamment la loi de 1904 sur la protection de l'enfance abandonnée et la loi de 1912 sur la protection de l'enfance délinquante.
Depuis lors, de nombreuses lois ont été adoptées pour renforcer la protection de l'enfance en France. Certaines d'entre elles ont été directement inspirées par des affaires médiatiques ayant mis en lumière les dysfonctionnements du système de protection de l'enfance. En voici quelques exemples :
L'affaire de l'enfant martyre de l'A10 : en 1987, le corps d'une petite fille de 4 ans est retrouvé sur une aire d'autoroute près d'Orléans. L'enfant avait été battue et abandonnée par ses parents. Cette affaire a suscité une forte émotion dans l'opinion publique et a conduit à la mise en place de la loi du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance.
L'affaire Outreau : en 2000, un scandale éclate à Outreau, dans le Pas-de-Calais, où plusieurs adultes sont accusés d'avoir commis des actes de pédophilie sur des enfants. L'enquête et le procès qui ont suivi ont révélé de graves dysfonctionnements de la justice et de la protection de l'enfance, avec notamment des erreurs d'appréciation et de nombreux faux témoignages.
L'affaire Marina en 2009 : Marina Sabatier était une jeune fille de 8 ans qui a été retrouvée morte, victime de violences de la part de ses parents. L'enquête a révélé que Marina avait été victime de sévices depuis son plus jeune âge et que les services sociaux et judiciaires avaient été alertés à plusieurs reprises sans que des mesures concrètes ne soient prises pour la protéger.
L'affaire du petit Tony en 2016 a également suscité un débat sur la protection de l'enfance en France. Ce jeune garçon de 3 ans a été retrouvé mort à son domicile, victime de maltraitance de la part de sa mère et de son compagnon. Cette affaire a mis en lumière les failles du système de protection de l'enfance.
Ces affaires médiatiques ont ainsi contribué à la prise de conscience de l'importance de la protection de l'enfance et à la mise en place de politiques publiques pour renforcer cette protection. Cependant, il reste encore des défis à relever pour garantir leur protection.
Le cadre légal :
Au cours du XXe siècle, de nombreuses lois ont été adoptées pour renforcer la protection de l'enfance en France.
L'ordonnance promulguée le 2 février 1945 vient faire régner la primauté de l'approche éducative plutôt que répressive lorsqu'il s'agit de traiter les jeunes en situation de délinquance. Elle créé notamment les tribunaux pour enfants.
La loi du 4 juin 1970, vient remplacer la notion de puissance paternelle, par la notion d'autorité parentale conjointe.
La loi du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance. Elle a posé les bases du dispositif de protection de l'enfance actuel en créant des structures de protection de l'enfance telles que les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et en instaurant l'obligation de signaler les cas de maltraitance infantile. Cette loi a également mis en place un système de protection judiciaire pour les enfants en danger, qui permet de retirer un enfant de son milieu familial si sa sécurité ou son développement est compromis.
Ce même jour, la loi d'orientation sur l'éducation a instauré la notion de "droit à l'éducation", en reconnaissant à tous les enfants le droit à une éducation "dans des conditions favorisant leur développement".
La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a marqué une étape importante dans l'histoire de la protection de l'enfance en France. Cette loi a mis l'accent sur la prévention et l'accompagnement des familles en difficulté, plutôt que sur la sanction et le retrait des enfants. Elle a ainsi renforcé les droits des enfants et des familles et a créé de nouveaux dispositifs pour améliorer la prise en charge des enfants en danger, tels que les évaluations pluridisciplinaires et les projets pour l'enfant. Elle a renforcé la prévention de la maltraitance infantile en créant un dispositif d'accueil et d'orientation pour les enfants et les familles en difficulté, en renforçant les contrôles de qualité des structures d'accueil. Cette loi a également renforcé la participation des enfants et des jeunes à la prise de décision les concernant.
La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant a renforcé les dispositifs existants en matière de protection de l'enfance en France. Elle a également renforcé la protection des mineurs étrangers isolés en instaurant une présomption de minorité pour les jeunes migrants qui se déclarent mineurs et en obligeant les autorités à désigner un tuteur pour les accompagner dans leur parcours d'intégration. La loi de 2016 a également renforcé les droits des enfants en matière de participation, en instaurant notamment la possibilité pour les enfants de saisir eux-mêmes le juge des enfants et en les autorisant à consulter leur dossier médical. Elle a également renforcé les droits des parents en matière d'accompagnement et d'information tout au long de la procédure de protection de l'enfant. Enfin, la loi de 2016 a créé le conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) chargé de réaliser des études et des enquêtes sur la situation des enfants en danger en France, ainsi que de suivre l'efficacité des dispositifs de protection mis en place. L'Observatoire National de l'Enfance en Danger (ONED) créée en janvier 2004 devient l'Observatoire National de la Protection de l'Enfance (ONPE).
La loi du 10 juillet 2019 relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires (VEO) : elle concerne toutes les violences subies par les enfants. La "fessée" est interdite ainsi que tout châtiment corporel sur les enfants.
L'ordonnance du 11 septembre 2021 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs abroge et remplace l'ordonnance du 2 février 1945. Elle simplifie le jugement des mineurs délinquants et limite leur détention provisoire. Elle prévoit d'autres nouvelles dispositions, notamment le principe de non-discernement pour les mineurs de moins de 13 ans.
La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite "Loi Taquet", a pour objectif d'améliorer la situation des enfants placés et avant placement. Elle interdit le placement à l'hôtel pour les mineurs et jeunes majeurs confiés à l'aide sociale à l'enfance d'ici 2024 et renforce les conditions d'hébergement pour ces derniers. Elle prévoit également la recherche systématique de la possibilité de confier l'enfant à une personne de son entourage, l'interdiction de la séparation des fratries, la proposition d'une marraine ou d'un parrain et d'un mentor pour l'enfant accueilli à l'ASE, la fin des sorties "sèches" de l'ASE à la majorité et l'obligation d'un accompagnement pour les 18-21 ans par les départements et l’État. Les contrôles des antécédents judiciaires des professionnels et bénévoles intervenant auprès des enfants dans des établissements pour mineurs sont rendus systématiques pour protéger les enfants contre les violences. Tous les établissements sociaux ou médico-sociaux doivent désigner une autorité tierce à l’établissement, vers laquelle les personnes accueillies pourront se tourner en cas de difficultés. Les familles d'accueil qui accompagnent plus de la moitié des enfants de l'ASE sont également sécurisées. La Garantie Jeunes sera systématiquement proposée pour les jeunes sortants de l'ASE (afin d'éviter les sorties sèches).
Pour télécharger cette carte mentale :
Malgré ces avancées, la protection de l'enfance reste un enjeu complexe et difficile, confronté à de nombreux défis. Les cas de maltraitance et de négligence sont encore trop nombreux, et les dispositifs de protection peinent parfois à répondre aux besoins des enfants et des familles en difficulté. C'est pourquoi la protection de l'enfance reste une priorité pour les politiques publiques en France, avec de nouvelles initiatives et de nouvelles lois régulièrement mises en place pour améliorer la situation.
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